08.12.2015
J’ai hâte : je prends bientôt l’avion pour rejoindre F. à Nice. Arrivée à bon port et après discussion avec lui, je me rends compte que j’ai laissé les enfants seuls.
Leur père doit arriver dans 2-3 jours. J’ai pris l’avion trop tôt. Ils m’attendent, c’est sûr. Après quelques hésitations,
je reprends l’avion pour Rennes. À l’aéroport, je mets
mes sacs, les uns dans les autres, comme les poupées russes, afin qu’ils prennent moins de place. J’arrive
à l’appartement, les enfants sont présents et je remarque
le désordre. Ma grand-mère a laissé des papiers pêle-mêle
par terre. C. tire de la barbe à papa cotonneuse des détritus d’une poubelle.
Je m’approche des papiers et suis attirée par une photo.
Il s’agit de mon grand-père. Comme avec un iPad,
je zoom sur un détail et l’image se transforme en vidéo.
Mon grand-père est jeune et il est en train de sortir des toilettes d’un restaurant. Il passe de 3/4 à côté des tables.
Je scrute son visage. L’ambiance est rouge-jaune-vieillie.
09.12.2015
Je suis le docteur House : râleur mais brillant car prenant
des chemins que personne d’autre n’oserait expérimenter. Et je suis aussi cette femme bienveillante qui l’accompagne et qui essaie de l’apaiser. Car le docteur House est enfermé dans un hôpital psychiatrique et manifestement, il n’y est pas à sa place. Agité, en dépit des médicaments, je me demande ce que je fais là. Je passe mon visage et mon
gros ventre par l’entrebaillement de la porte pour tenter
de m’échapper ou bien d’appeler quelqu’un à l’aide.
La femme bienveillante met sa main sur mon épaule.
Je passe d’un regard à l’autre, de celui de la femme
à celui de l’homme, je suis clivée. Et la femme
se rend compte que parfois House n’a pas un comportement cohérent, parfois il disjoncte et n’est plus lui-même.
House oublie qu’il existe. La femme bienveillante voudrait l’aider et au moment où elle s’approche
de l’origine du problème, j’ai un grand flash qui brouille
la scène et je me réveille.
WINNIE THE POOH
J’ai conservé cette pensée magique qui correspond
à un stade archaïque du développement du nourrisson.
Ma mère est encore aujourd’hui « good enough » (Winnicott) pour me permettre de faire l’expérience de l’illusion
de l’omnipotence et ce jusqu’à sa propre mort. Ma fille
est très créative et mon fils possède une grande puissance de jeu (« Jeu et réalité, l’espace potentiel » D.W. Winnicott). J’en conclus deux choses : que j’ai – moi aussi – été une mère
« good enough » et qu’il y a une filiation possible, une transmission des mécanismes de cette adaptation active
de la mère. Il n’est pas nécessaire de les ressentir, d’en avoir conscience soi-même, il faut simplement y avoir été initié pour pouvoir les reproduire.
À lire « Winnicott et la créativité » par Frédérick Aubourg, dans sont extraites ces deux phrases :
« Pour Winnicott, la capacité de vivre créativement,
mais aussi la localisation originelle de l’expérience culturelle, se trouvent conjointement articulées dans cette expérience qui consiste à conserver sa mère à l’esprit. »
« Finalement pour Winnicott l’artiste n’a rien d’exceptionnel, si ce n’est son talent. La création artistique n’est donc pas auréolée et singularisée, comme ce pouvait être le cas
dans la théorie freudienne par la sublimation, elle n’est qu’une façon d’exprimer la créativité. »
Pour en savoir plus : Revue Le Coq-Héron