NOS AMIS LES STAGIAIRES
Comme l’onychomytose, ils s’installent en général
pour six mois. Désireux de s’intégrer rapidement au système entrepreunarial, ils parlent d’organigramme, étendent
leur réseau Linkedin et pondent en salle de réunion
un campement de pulls tout en reniflant leur jeunesse exaspérante. Certains se disent végétariens, ce qui ne
les empêchent pas de se gaver de Lion et de Redbull,
manière pour leur « çà » de dealer avec leur « surmoi »
leur frustration protéinée.
Des stagiaires, on sait peu de choses : génétiquement programmés pour arriver à l’heure et travailler à quatre
sur un même bureau, ils sont cependant novices en guérilla bureaucratique. Pour preuve, le sweat à capuche dans
lequel ils tentent de se camoufler quatre jours sur cinq
– qu’il neige, pleuve ou vente – alors que le reste de l’équipe est en chemise et imperméable.
Ce que je pressens néanmoins c’est qu’ils ont bien pénétré le labyrinthe de la solitude. À grand renfort de crew
et de soirée acides-houleuses, ils tentent d’habiller les murs nus de leur dédale. Lorsqu’ils parlent, c’est l’écho de leur propre voix qu’ils entendent, c’est la réverb version condition humaine.
QUAND LA RÉALITÉ DÉPASSE
LA FICTION
« De retour des États-Unis, j’ai trouvé un poste de chercheur, à l’université. Mon travail comprenait, outre les cours que
je donnais, l’étude des insectes nocturnes. Je m’épuisais
environ 20 heures par jour, devant aussi effectuer des relevés la nuit. J’étais payé 150 euros par mois et j’avais
droit à un logement de fonction pour 250 euros. J’ai tenu deux mois. Puis j’ai décidé de quitter Rouen pour Rennes avec l’idée de me reconvertir dans le web. »
09.09.2015
Les arbres sont hauts et le sous-bois sous-exposé.
Ma mère conduit la voiture qui suit la route descendant
dans la forêt. Cette scène me rappelle le Jura. La voiture longe la glissière de sécurité mais ne s’y accroche pas.
« On ne sait jamais », me dit-elle. Je nous retrouve au bord d’un ruisseau. Je sais que ses deux chiens sont là :
le fox-terrier et le colley. Elle me montre quelque chose
dans le cours d’eau. Je vois la toison du fox amassée
et humide, retenue par quelques pierres. Elle frémit
à chaque passage du courant. En arrière-plan, les pattes dans l’eau, le colley semble attendre.
« Regarde, tu as bien fait de l’appeler Zacharias » me dit-elle.